Non essentiel.

DSCF0673Hey ! Comment ça va dis donc ? Ca fait longtemps…

De retour de la sélection n°1 Arc à Poulies à Saint Avertin... Non, à Dijon... Bon finalement à Riom mais de justesse et pas pour tout le monde... Sacré COVID, quand tu nous tiens… Tu donnes du fil à retordre à nos fonctionnements d’hommes de lois, et qui aiment les pondre en masse de surcroit ! La noyade dans l’univers des textes est telle que notre réactivité ne trouvera de ressources que dans le système le plus fortiche et le plus évolué de tout notre système 12.0 : le monde amateur.

C'est cool, c'est mon club, « Les Archers Riomois », qui a répondu présent en 48h pour organiser la première sélection internationale arc à poulies ne pouvant se tenir en raison de la fermeture du CREPS de Dijon. Celui-ci aurait peut-être pu rester ouvert parce que tous les archers présents ne pouvaient l'être que s'ils étaient inscrits sur liste de haut niveau du Ministère des sports. On imagine que l'État pouvait tout de même recevoir ce type d'évènement de sport de haut niveau et/ou professionnel dans au moins une structure qu'il a lui-même créé pour palier à de nombreuses situations, ici en l'occurrence sanitaire, pour qu’elles puissent se dérouler en toute sécurité et normalité. Mais ça, c’était avant, ou bien dans un monde logique, peut-être.

H-48… Une fois que signe nous est revenu d’un voyage de sept jours pour dire « oui la sélection se tient », « non ce n’est pas à Dijon, c’est à Riom ». Donc, on se prépare, on s’organise, on réserve, on planifie et on se projette sur une compétition de sélection (contexte différent d’une compétition normale donc, si tant est que nous nous en souvenions), et au bout d’une semaine de questionnement et de silence, soudain, la nouvelle tomba pour coller au terme tendance du moment : s’adapter. Mouais, comme si on ne maîtrisait pas cela depuis des lustres, d’autant plus dans toutes les disciplines qui ne portent pas les anneaux enchevêtrés, qui peut le plus, peut le moins, n’est-ce pas ?

Ce qui est moins cool, c’est que les amateurs de mon club avaient peut-être caressé l’espoir de tirer le samedi éventuellement, jour de weekend après le labeur de la semaine dans leur club chéri et notamment pour participer à une rare opération de la fédération pour rassembler, fédérer… au challenge national « à vos arcs ». Et bien non, vous attendrez demain s’il vous plaît, d’abord les fichés S/HN. En cette période, chaque petit truc qui peut faire notre bonheur et que l’on nous enlève me donne des boutons, pardon de froisser, mais c’est comme ça. Je ne suis pas né dans un pôle France, mais dans un petit club où j’ai appris le tir à l’arc avec un entraîneur non diplômé. C’est peut-être pour ça que certaines gens n’aiment pas me lire. Qu’importe, au final, les archers riomois n’ont peut-être rien raté, en tout cas s’ils préfèrent la pluie de ce dimanche au vent froid de ce samedi, c’est le cas, sinon, ils sèchent encore à cette heure tardive dominicale.

12B3C6DC 9185 4419 A1E5 BEFEF3EE2D65Bon sinon, Riom, bien ou bien ? Fidèle au poste la météo du coin ? Riiiight ! En deux jours, je suis passé du mode sniper à vouloir taper du 710+ à Dijon, au Centre National Arc à Poulies (oui il a un p’tit nom super Glam’ en plus j’vous jure !), en mode C’est la guerre mon Général ! Non parce que, en mars à Dijon, on a pu faire une petite compét de quartier avec des chronomètres et tout, même le piaf qui couine coincé dans le Chronotir. Et cela arrivait après un weekend de stage campagne à Chauviat, où je me tirais la bourre avec Adrien Gontier et Nicolas Girard. Ils n’en mettent pas beaucoup à côté les bougres !!! Ensuite une petite bourre le lundi soir, puis le mardi toute la journée… Dont un beau match de 72 flèches contre Nico où je m’incline d’un point avec…711… M’énerve c’lui-là. Bon le lendemain matin pour le tir compté plus officiel, j’ai bien senti que mes épaules manquaient un peu de routine de perf. Mais donnent quand même un 349/354 pour 703, nice come back buddy. Donc, logiquement, vu que je tapais bien à l’entraînement, j’me suis dit que je pouvais m’lâcher un peu sur les seuils de satisfaction perso pour cette sélection…

Le terrain Riomois tient sa réputation de négociateur avec les archers trop confiants. Il s’impose direct avec du gros vent, de la pluie, du froid, parfois tout en même temps. Mais il est sournois le coquin : à notre arrivée samedi matin, pétole, le temps parfait avec même un petit rayon de soleil qui vient te chauffer le bout de peau du cou qui dépasse de tes douze épaisseurs de vêtements techniques que tu as payé trop cher. Tu te dis « c’est pas cool », je viens en mode Warrior et ça va pas bouger ? Alors tu essaies de poser ton tir, calme et précis, et quand tu es chaud et relâché, là, le froid se pointe, le vent aussi, et le temps grossira de plus en plus tout au long de la journée… Ah oui j’oubliais : « s’adapter ».

Mais pourquoi une sélection au juste ? Les équipes de France ont été constituées, non ? Et ben si l’on ne raisonne que par l’année olympique, oui, effectivement, c’est torché et y’a même déjà deux compétitions internationales qui viennent de passer (Grand Prix Porec et Antalya, bravo Lisa). Elle a été actée il y a plus d’un mois après deux passages et demi au chaud en salle (le demi pour le report cause virus+).

Pour l’arc à poulies du tir à plat, discipline FITA (parce que je n’aime toujours pas « TAE »)(parce que FITA signifie Fédération Internationale de Tir à l’Arc et que, historiquement, la langue française était la langue officielle de notre passion et que je résiste à sauvegarder un patrimoine, et en plus, ça sonne mieux, voilà)… cette toute première sélection ne concerne qu’une participation à la première manche de la coupe du monde World Archery à Guatemala City, du 17 au 26 avril prochain. Pour la deuxième manche de la coupe du monde, la troisième, et les championnats d’Europe, la sélection n°2 compte, et elle se déroulera à Onnesaitpasoù les 8 et 9 mai prochains.

Il y a quelques semaines, il fallait prendre une décision pour continuer à avancer correctement sans louvoyer et tirer des bords à n’en plus finir, et j’ai dit : « j’y vais pas » (à Guatemala City). Et pour la suivante, je fais comme si et nous verrons en fonction de l’évolution sanitaire et de mes projets annexes. Pourquoi je n’irai pas à cette première manche, alors que j’aurais pu y aller (sous réserve habituelle de sélection officielle du comité de la direction technique nationale évidemment) ?

Dans le calendrier, ça ne passe pas : je dois faire un test PCR pour prendre l’avion dans un sens, mais aussi dans l’autre. Et c’est dans l’autre que cela pose un problème… Si le test est positif, je dois rester 7 à 10 jours sur place, dans un pays inconnu, avec un virus pas vraiment connu ou pas vraiment maîtrisé dans mon corps, avant de rentrer me placer en isolement, peut-être, une fois de retour sur mon territoire, mais à une date inconnue aussi. Et ensuite… si jamais tout se passait bien : on va dire que je suis porteur asymptomatique et que le PCR positif n’est qu’un prétexte pour jouer à la PS5 une semaine entière (que je n’ai pas, mais peut-être dispo la FNAC Guatémaltèque qui sait…), ça veut quand même dire que pendant dix jours, je ne m’entraîne pas. Encore ensuite, je rentre en France, si ça se trouve, peut-être que « légalement » je ne peux toujours pas tirer, on ne sait pas, les règles changent comme la météo riomoise en ce moment. Alors, techniquement, ça passe pas. Et de façon pragmatique, virus ou pas virus, le haut niveau demande de l’investissement de tous les jours. Et ça c’est si je vais bien en portant le virus ! Donc si je le choppe, et qu’il me dégomme la santé, je vais pas bien tirer l’arc mais plutôt l’inverse. Voyez, y’a aussi pire comme scenario et j’en ai d’autres aussi… J’ai imaginé aussi être admis aux urgences au Guatemala et… J’suis vachement souple là. 

Sans déconner Pierrot, tu te poses vraiment toutes ces questions ? Ben oui, on ne me dit rien, je n’ai aucune info sur l’intérieur des compétitions, rien, pas un coup de fil, pas un mail, pas un courrier, le vide… Alors j’ai accès à la même info que vous, manants, qui n’êtes pas inscrits sur liste du ministère… Mais je vous rassure, en dehors de l’opportunité de tirer une sélection, je n’ai vu aucun avantage à être sur liste depuis une décennie. Heureusement, il n’y a pas que ça comme carotte dans le sport de haut niveau. Si on veut quelque chose, il faut aller le chercher et le prendre.

Sportivement parlant, Guatemala ne comporte pas d’enjeu tiers : le championnat d’Europe est support de quota pour les Jeux Mondiaux de 2022, l’antichambre olympique des disciplines encore parias. Rien que ça peut valoir le coup de faire l’impasse sur la World Cup 1. Ne pas pouvoir faire, ou bien ne pas être compétitif à la sélection n°2, hypothèque mes chances de choisir si je veux composer ou non l’équipe de France pour les championnats d’Europe, la coupe du monde de Lausanne, et celle de Paris (sous réserve de sélection du comité, verset 12, alinéa 2.1a, Par.1238.12 mod. du 12/04/1989/min/gouv/fr). Alors pour une seule coupe du monde, non. Le reste de la saison est plus important, qualitativement, quantitativement.

Peut-être que le virus aura mis fin à ma carrière internationale, je n’exclue pas cette possibilité même si j’ai encore envie de performer, pas uniquement de participer, mais de gagner… Je m’entraîne, je bosse dur, je me bats pour faire vivre ma passion et tous les jours, et sans aide de l’État, rien, le néant absolu. Je ne prends pas un stage par ci ou par là comme une aide, ni même une attestation dérogatoire de déplacement puisque je m’entraîne au boulot, que j’ai façonné ainsi pour concilier un taff d’artisan du sport et une carrière de haut niveau.

Il faut dire aussi que, des jeunes gens s’entraînent dur, et sont méritants. Peut-être que la reprise des compétitions ne sera pas aussi rapide que la durée restante de ma motivation à faire du haut niveau, ou bien qu’il sera nécessaire de laisser la place cette saison toute ou partie, pour sauvegarder mon environnement professionnel. Ce dernier qui, justement, est ma préoccupation principale car sans lui, je ne peux espérer être libre de m’entraîner et de me libérer pour partir des semaines en compétition. Je rappelle que je n’ai pas pu faire partie de l’armée de champions car je ne porte pas les anneaux, quand bien même militaire de carrière, je suis toujours en congé sans solde de l’Armée Française pendant que d’autres, aux résultats toujours ténébreux, ne sont plus tellement inquiétés, tant mieux pour eux, mais j'ai un peu les boules. Alors, lorsque cela sera possible à nouveau de revenir taper du 10 pour mon plaisir et parce que j’aurai le niveau pour gagner des médailles (sinon je ne pars pas, je n’ai pas besoin d’un comité de sélection pour me le dire), d’autres le taperont peut-être plus souvent et plus facilement que moi. Alors je déciderai de les aider du mieux que je le pourrai car mon emploi implique aussi cette partie du sport : le sponsoring.

Et je continue à redescendre vers l’essentiel, non reconnu comme essentiel d’ailleurs, et vous me voyez arriver avec mes gros sabots pour parler du monde amateur. Sans les clubs, les bénévoles, les archers, tous ceux qui consomment le sport, qui portent leurs champions locaux et leur passion commune avec, font vivre le Grand Sport. Le sponsoring, l’international, ne signifient pas grand-chose s’il n’y a personne à la base. Un champion d’un pays qui ne peut pas tirer n’est pas un champion, il est seul. La pub sans intéressé ne sert à rien, et si vous prenez le peu restant pour des jambons, ah la la ça va faire bobo la tête. Une communauté qui partage une passion réalise des projets, elle émet des besoins. Pour vivre de ma passion sans être au crochet de l’État, ce qui n’est visiblement pas permis pour tous ceux qui ne sont pas olympiques ET performants, ma vie professionnelle consiste à répondre à ses besoins : du matériel, du conseil, et sans prendre les gens pour des cons (sauf dans certains cas incurables, ce qui à l’évidence, peut arriver malgré tous mes efforts, ndlr). Je suis convaincu que notre sport mérite mieux en termes de communication, de conseil et d’offre associative. Sans forcément parler J.O., on peut très bien vivre sans les anneaux avec nos challenges divers et variés, avec une bonne dose de fun qui me manque beaucoup. Avant le virus, on ne pouvait plus taper une petite compétition de quartier sans entendre « recherche de performance », ou « l’excellence ». Ca va, on se détend les enfants, si tu veux t’faire du mal, va cogner un sac de sable et reviens plus calme pour partager un moment sympathique avec les copains.

Je le dis à nouveau, je viens d’un petit club, où j’ai découvert le tir à l’arc au travers de passionnés ayant voyagé, qui m’ont parlé de leurs expériences diverses au sein de nombreux types de compétitions. Elles ne mènent pas aux J.O. pour autant, mais apportent bien du plaisir. Vegas, Lancaster, les tournois, le 3D, le nature, le campagne, les 4 distances. C’est cette force de la passion qui m’a fait aimer le tir à l’arc au point de rechercher la perfection (la mienne, pas celle sortie du bouquin), et non une définition d’objectifs présentée sur un PowerPoint dans un centre spécialisé. Mon rêve est né dans ce petit club, et ce rêve est toujours aussi fort.

Alors je me bats quotidiennement pour faire reconnaître les sportifs non olympiques à mon niveau, ainsi que tous ses acteurs : les clubs, les magasins spécialisés, les fabricants. Je crois qu’il ne faut pas trop me chauffer avec les autres termes tendances du moment, solidarité, violences et sport féminin. Si on pouvait commencer par supprimer la différence entre olympisme et le reste du monde, déjà, la discrimination serait moindre, le rageomètre moins élevé. On parle souvent du niveau de précarité des athlètes à l’INSEP, ouaip, allez donc faire un tour en dehors des grilles de l’avenue du Tremblay, trouvez un sportif et causez un moment avec lui, ça devrait être sympa, sans langue de bois. Quant à la semaine olympique, ou à la journée du sport féminin, je me demande quand sera la semaine du sport amateur. J’ai été élu représentants des sportifs de haut niveau de la région AURA pour les conférences régionales du sport et de ses financeurs. Ce que j’y entends m’inquiète et m’assure qu’il faut d’abord faire soi-même. Rien ne bouge et le mammouth est bien lourd et bien fatigué. 

DSCF0586Sauf… une éclaircie, qui est apparue à la fin du mois dernier quelques jours avant de nous re-re-re-confiner, enfin, si on peut appeler cela ainsi. Car après avoir contacté la préfecture, la direction départementale Jeunesse et Sport, la mairie, les jenesaispluscombiendecoupsdefil pour être sûr de ne pas déclencher la troisième guerre mondiale… J’ai pu faire quelque chose pour encourager un stage dispensé par les archers des sources, le club d’Artonne-Saint-Myon en Auvergne. Un parcours santé de trois bornes, 24 cibles réparties dans la campagne, pelotons de 3 archers, le protocole sanitaire hautement respecté et tout le tralala. Ce n’était pas une compétition et pourtant, l’aspect stage a pris tout son sens sans tir depuis bien longtemps… Vous pouviez très bien compter les points, mais en les gardant pour vous ou en vous tirant la bourre avec votre pote de peloton. Ou bien vous pouviez vider le carquois sur une cible vous résistant, c’est l’occasion d’apprendre… Ou bien encore pour le plaisir parce qu’elle est trop facile et que ça fait juste du bien de la massacrer. Les bénévoles du club ont fait beaucoup de bien à une petite cinquantaine de personnes réparties sur 24 cibles et sur deux jours. Faites le calcul, ça ne fait pas loin d’une personne par cible, tout va bien. Ne reculez pas devant le mot « stage » au lieu de « compétition », soyez-en sûrs, ça fait vraiment du bien et permet de reprendre tranquillement, ou de progresser.

DSCF0634En gros, si je veux me préparer au haut niveau, je dois en passer par là. Je dois sauvegarder mon entreprise qui créé du matériel de tir à l’arc et qui n’est pas essentiel aux yeux du pays, ça tombe bien, nous sommes créatifs en ce moment ;-) Les nuits sont très courtes. Je dois trouver la motivation, comme vous, pour m’entraîner, progresser, me projeter et souvent, être déçu ou inquiet. Je dois aussi être entreprenant pour fabriquer un environnement proche de la compétition, ou qui me permettra d’être performant sans trop de casse au redémarrage. Cela implique un pas de tir à domicile pour un entraînement régulier et dans de bonnes conditions, à mes frais donc, et bien des kilomètres pour trouver de la compét ou du stage, après avoir souvent passé pas mal de temps à les organiser. Ohé, Ohé, les archers a-ban-donnééés… Et enfin, je cherche à transmettre une partie de mon énergie pour que vous gardiez la vôtre, et pour que nous puissions tous vivre notre passion, c’est donnant-donnant.

Si nous arrivons à traverser cette épreuve, et si j’arrive à rester créatif pour entretenir votre flamme pour le Grand Tir à l’Arc, pas celui qui compte les points seulement, alors nous aurons gagné cette compétition. Et non, ils n’ont toujours pas réussi à me dégoûter de ma passion. Elle plus grande que cela.

Bien, à ce stade de la lecture, vous pigez que j’ai quand même bien tergiversé dans l’bocal. Alors j’en reviens à cette compétition de sélection… Bientôt deux ans que je remportais la médaille d’or par équipe en coupe du monde berlinoise avec Sébastien et Jean-Philippe, et c’est la dernière compétition internationale au compteur. Il y a bien eu un championnat de France en salle ensuite, il y a 14 mois. Et depuis, rien. 

Nous nous sommes bien démenés pour obtenir l’autorisation de nous regrouper cet hiver et tirer deux petites compétitions pas vraiment préparées pour les World Indoor Series online, mais cela n’avait rien à voir avec une vraie compétition. Ça tient en haleine, ça montre des choses, pas forcément les bonnes, comme celle d’un profond sentiment d’être la douzième roue du carrosse. C’était super bizarre, stressant au taquet, et bourré de questionnement. Si je savais dessiner, je vous aurais fait le topo vu de l’arrière des archers en visée, et un bon gros point d’interrogation pris dans une bulle au-dessus de chacune de leurs têtes, dont la mienne.

Si je vous la fais super courte, nous sommes quelques-uns à avoir fait le choix de vivre de notre passion qui n’a pas de J.O., et avec cette pandémie, l’aide est nulle. Alors il est possible que nos choix nous portent vers une réorientation professionnelle, une retraite sportive, ou pour ceux qui ont simplement lâché leur job pour faire du haut niveau, de reprendre un emploi. Cela signifierait l’arrêt pur et simple de toute une génération de champions, qui pouvait en nourrir une autre. Alors une coupe du monde… Avant d’en arriver là, déjà, si j’avais pu seulement recevoir des infos concernant celle-ci, une bonne communication, régulière, précise ou pas mais au moins quelque chose qui me laisse l’illusion d’être considéré, mes choix auraient été autres, peut-être.

Donc, pas d’info, pas de communication, pas de grand prix, juste une sélection à sec comme ça vite fait sur l’gaz. Météo tricky tricky mais c’est pas grave, les experts vont juger et mettre sur le tapis, ou bien au tapis, des gars et des nanas à qui on balance les termes tendances du moment, solidarité, adaptabilité, abnégation. D’accord, on va faire comme si nous n’avions rien entendu hein, et comme si ces termes n’étaient pas dans nos vies depuis des lustres.

Au fait, on a eu un PCR positif, mais vu le timing, il n’est pas possible de reporter votre sélection et d’ailleurs on ne le mentionne pas. Donc pas de report, pas de bulle sanitaire pour vous les poulies. Ramenez les médailles, mais ne la ramenez pas svp. Merci. Ce n’est pas texto ce qu’on nous a dit, mais tel que je l’ai perçu, ce qui ne doit pas être tout à fait faux en définitive.

IMG 2749Ah et au fait, seuls les inscrits sur liste de haut niveau peuvent venir, pas les autres. Ceci se base sur les résultats datant de 18 mois en arrière bien entendu, sauf si tu es de la catégorie d’Olympe. Car nul n’est reconnu dans un collectif national, cela ne suffit plus, il faut être inscrit sur liste du Ministère. Ce qui signifie que tu dois avoir déjà performé en compétition internationale, et je dis bien performer, car il n’y a pas de place pour les moyens. Mais chef ? Comment on fait pour briller en inter, si on peut pas faire les sélections pour aller en inter, chef ? Ca, c’est la stratégie adoptée par l’armée pour éteindre certaines spécialités (métier) entre 2010 et 2020.

Bref, on a fait une sélection, réduite à un nombre inférieur de prétendants de ce qu’il n’y a de place en équipe de France pour ma catégorie, faute de combattants covidés, retenu sur d’autres champs de batailles, ou n’ayant pas de laissé-passé A39.

Vivre une politique de la peur ne me fait pas taire, si ces mots doivent me porter préjudice, alors c’est bien reconnaître que le système doit être bousculé en profondeur. Car ne rien dire et courber l’échine revient à nuire à mes performances, à mon plaisir, alors que j’ai déjà tant donné pour mon sport, ma passion, mon temps, mon argent et toutes ces médailles. Je ne suis pas d’accord et je l’exprime.

Le truc le plus fou de l’histoire, c’est que j’ai toujours ce rêve en tête, et ce goût de l’effort, de la performance, de la gagne.

A Riom, merci les copains et copines pour le joli pas de tir venteux, je tire 690 points le matin et 695 l’après-midi. 

Le matin, pétole, c’est troublant, moi qui m’étais peint de bandes de camouflage vertes et noires pour affronter l’ennemi Buys-Ballot. Il faut dire que, je n’étais pas serein, et je tremblais beaucoup, la tête remplie de trucs qui n’avaient rien à faire là maintenant. Serait-ce là un sentiment humain normal ? Bien, je me bagarre un peu avec mon arc noir qui est mon arc punchy de tir en campagne, mais je l’aime bien et en mode Warrior il devait bien aller… Mais en fait non, mauvais choix. Alors je change d’arc car en bon compétiteur responsable et consciencieux, j’ai préparé un deuxième arc plus soft pour les situations les plus complexes à tenir. Alors je prends l’arc bleu et les points rentrent mieux, plus facilement. Je suis donc tendance et je fais preuve de solidarité, mes deux arcs ont tiré ce jour-là, pas de jaloux. Après une belle bagarre contre mes nerfs et le vent pointant son nez en fin de première série, je décidais de switcher sur mon décocheur à pouce au lieu du back tension. Je n’ai pas d’énergie, j’ai la tête pleine de trucs moches, alors je vais économiser l’énergie physique en lâchant plus vite et monopoliser l’énergie mentale en décidant du bon moment pour le faire. Autrement dit, plutôt que de lutter à ne pas faire de grosse bouse en cible, je lutte pour décider du bon moment avec le bon outil, et hop, du positif ! Pari réussi, je termine en mode « même pas mal » avec un score identique à la première série, mais avec plus de vent et plus de X. Là aussi, je colle à un objectif fixé (pas colère) pour le bon ordre.

Je ne prends pas part à la sélection et je peux décider à tout moment de plier bagage pour rentrer bosser un moment et m’occuper du chat sans doute hyperactif compte-tenu de la météo…

IMG 2748C’était l’après-midi le plus venteux, mon score final est supérieur à celui du matin avec la plus grosse série du jour (353), donc je me suis bien adapté, je suis alors tendance, c’est parfait. Je continuais avec mon arc soft et mon décocheur à pouce, on ne sait jamais, ce genre de situation peut très bien se produire en compétition internationale, comme à Berlin par exemple où je réalisais un top 8 en coupe du monde avec ce genre de décision. J’ai des trucs supers bien, comme un 57 groupé 60 à gauche, ça ne prend pas mais ça bataille… et où j’enchaîne derrière ça deux fois 60 points d’affilée dans le vent et au pouce. Qu’on se le dise, je ne suis pas un tireur de décocheur à pouce, très rares sont les occasions où j’utilise ce déclenchement, d’où ma petite fierté dans ce passage. J’ai eu beaucoup de plaisir : ça jouait fort avec les copains, et quand nous étions en difficulté, on ne se marchait pas dessus mais nous nous encouragions. Bon pas tout le temps non plus parce que le tir à l’arc est un sport individuel, et que finalement, le confinement, c’est bien. Solidarité et équipe, car on ne sait jamais quand nous aurons besoin de l’autre, mais aussi car nous étions en pensée avec nos coéquipiers passés ou potentiels qui n’étaient pas avec nous.

Le tir se termine par un joli 59, un beau 10 final disputé dans le vent et lâché comme je le souhaitais pour alimenter ma motivation à poursuivre vers la prochaine sélection. J’ai ensuite encouragé les copains lors de leurs matchs, car eux sont volontaires pour cette première manche de la coupe du monde et je respecte leur choix.

Cette sélection était bien plus que l’aspect sportif et maintenant vous le mesurez mieux. Le lien avec la fédération et sa direction technique était rompu depuis plus d’une année. Toutes les questions que nous pouvons nous poser sont légitimes et sont la conséquence d’actes manqués. A cette heure, la balle est dans le camp de la direction technique nationale, l’organe en charge du haut niveau, de ses aides, de son suivi socio-professionnel et des moyens à mettre en œuvre pour que les athlètes, tous les athlètes, soient en sécurité. A cette heure, et bien, je suis inquiet, et sans réponse.

Malgré tout ça, pas d’agacement, pas d’emportement, de belles performances, de belles valeurs, tout au long de cette journée comme il n’y en avait plus eu depuis bien longtemps. Je suis tourné vers l’avenir, tous les jours sont une opportunité pour construire demain. De temps en temps, une petite piqûre de rappel ne fait pas de mal et en plus, celle-là aussi, elle est tendance en ce moment.

Merci pour votre lecture, j’ai pris plaisir à écrire un moment. Un moment pour moi, au calme, que je partage parce que vous êtes là et que c’est une des manières que nous avons pour échanger. Vite ! Que nous retrouvions nos jouets, nos amis, nos franches rigolades et la légendaire boîte à excuses de l’archer ! En attendant, aidez votre passion à retrouver de sa superbe, et si vous le faites déjà, continuez !

Archerycalement,

>>>---Pierrot---> X

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